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[2025 - Année de la mer] En mission à Kerguelen avec Hélène de Méringo

Stéphane Niveau
[2025 - Année de la mer] En mission à Kerguelen avec Hélène de Méringo

Guide naturaliste pour Grand Nord Grand Large, Hélène de Méringo embarquera en août 2025, sur le navire d'expédition polaire le Plancius autour de l'archipel du Svalbard. Dans le cadre de l'Année de la mer, elle nous raconte les coulisses des missions scientifiques dans les terres australes.

Peux-tu te présenter ?

Je suis biologiste de formation et guide d'expédition. J'aime voyager, parfois tout près de chez moi, parfois très loin, avec toujours l'envie d'être immergée en pleine nature et d'observer la faune. J'ai réalisé mes premiers grands voyages quand j'étais étudiante, au Québec pendant un an, puis à Madagascar pour mon stage de fin d'études. Mon diplôme en poche, je n'ai plus vraiment posé mon sac à dos. Vingt ans plus tard, je travaille toujours dans le domaine de l'écologie, et je tente d'allier projets scientifiques, dépaysement et aventure. Mes missions m'ont portée à travailler sous diverses latitudes, depuis la forêt de Guinée auprès des chimpanzés, au Sulawesi pour des inventaires de biodiversité, en passant par la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie, et bien sûr par une île que je porte particulièrement dans mon cœur, Kerguelen dans la zone subantarctique. Cette expérience dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) a marqué mon parcours, et m'a permis ensuite d'intégrer un organisme de recherche en tant qu'ingénieure.

Tu as réalisé une mission scientifique de 15 mois dans les îles Kerguelen. Quelles étaient tes motivations ?

J'ai découvert Kerguelen à travers des reportages TV et des lectures de navigateurs. Lorsque j'étais étudiante, j'ai remarqué une affiche dans l'amphithéâtre de biologie qui disait : « l'Institut polaire français Paul Emile Victor (IPEV) cherche des volontaires pour partir un an dans les TAAF ». Je n'ai pas hésité. C'était l'assurance de vivre une expérience hors du commun dans un milieu qui m'avait toujours attirée. Mais ma candidature a fait lettre morte et je suis passée à d'autres projets. Deux ans plus tard, par un hasard incroyable, une conversation avec une amie vétérinaire au fin fond de la Guinée, a fait ressurgir l'idée des TAAF. Mon amie allait partir là-bas, alors pourquoi pas moi. Sitôt rentrée, j'ai peaufiné mon dossier et tenté ma chance une seconde fois. Onze mois plus tard, une série d'entretiens et les tests médicaux et psychologiques validés, j'embarquais pour l'île rêvée : un hivernage à Kerguelen pour travailler avec le programme Ecobio, sur les plantes et les insectes.

 

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À quoi ressemble une journée type sur cette mission ?

Il n'y a jamais deux jours identiques. Lorsqu'on est volontaire à l'aide technique, on passe la plupart de notre temps hors de la base scientifique, sur le terrain pendant plusieurs jours. Pour ma part, je travaillais le plus souvent sur les îles du golfe du Morbihan (le nom du golfe de Kerguelen, NDLR), pour effectuer des suivis de biodiversité. La journée débute par l'embarquement sur le chaland du matériel et du ravitaillement nécessaires à la mission. La navigation dure parfois plusieurs heures pour nous rendre sur notre site de travail. Ce sont des équipes de deux ou plus. Une fois le matériel débarqué, on installe rapidement nos affaires dans la cabane qui nous sert de lieu de vie le temps du séjour. Si la météo est clémente, c'est le moment de commencer le travail : observation de la flore, de la petite faune, transects, quadra, récupération de données issues de petits capteurs... Le tout en suivant des protocoles précis envoyés par les laboratoires (Muséum d'Histoire naturelle de Paris, laboratoire universitaire d'écologie). À 17 h, toutes les radios sont allumées : on échange brièvement avec la base pour prendre la météo et quelques infos. En fin de journée, on rentre se réchauffer près du radian à gaz et on occupe la soirée en lisant à la bougie, dessinant ou jouant aux cartes. Pas de réseau, pas d'électricité, juste la simplicité. Le repas est cuisiné sur une petite gazinière. Quand la nuit arrive, on se glisse dans nos duvets installés dans l'unique petite pièce. Les semaines défilent à toute vitesse.

Finalement, c'est l'isolement, la nature et la simplicité des conditions qui provoquent l'aventure ?

Oui, c'est vrai. Une bonne partie des activités se fait en marchant depuis la base vers des sites éloignés. Il faut bien s'équiper et préparer son sac à dos minutieusement sans trop se charger, car les trajets peuvent être éprouvants, dans le vent et pendant de longues heures jusqu'à rejoindre un abri où l'on passera la nuit. De retour à la base, c'est l'occasion de voir le reste des équipes. On travaille au laboratoire, à identifier des échantillons entomologiques par exemple, rédiger notre rapport d'activité, échanger avec nos laboratoires de rattachement en France et leur envoyer les données. C'est aussi l'occasion de prendre une bonne douche chaude !

As-tu des conseils pour ceux qui souhaiteraient participer à une telle mission scientifique ?

C'est une expérience incroyable qui marque à jamais. En premier lieu, il faut bien cibler le ou les projets sur lesquels postuler. Les profils de postes sont détaillés et comme pour tout entretien d'embauche, il faut se préparer. Il est essentiel se bien se renseigner sur les travaux scientifiques réalisés par les équipes dans ces milieux. Il faut déjà se renseigner sur l'équipement à rassembler et il est bon de prendre des avis de plusieurs hivernants. Quand arrive l'heure du départ, il ne faut rien oublier, car une fois là-bas, il est compliqué de s'approvisionner. Les colis éventuels n'arrivent que 4 fois dans l'année. On passe les deux derniers mois en France au laboratoire pour apprendre et préparer en détail les « manips », les protocoles qu'il faudra appliquer. Dernier conseil important : il faut avoir l'envie de découvrir des territoires très sauvages, la vie en communauté et aimer s'adapter. La cohésion du groupe est la clef d'une mission réussie.

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