Contes et légendes du Grand Nord
Depuis la nuit des temps, les régions polaires attisent la curiosité et cristallisent des mythes. Dans les contes et légendes du Grand Nord, on découvre un univers fait de dieux et d’animaux imaginaires, rapportés par les récits des explorateurs, jusque dans les histoires pour enfants du XXe siècle.
" D'où vient donc l'étrange attirance pour les régions polaires, si puissante, si tenace qu'après en être revenu, on oublie les fatigues morales et physiques pour ne songer qu'à retourner vers elles ? " Ce sont les mots du commandant Jean-Baptiste Charcot, navigateur et explorateur français du XXe siècle. Il résume, par cette formule, plusieurs questions : quel est donc ce sort qui semble tous nous posséder après un voyage polaire ? D'où vient le charme inouï de ces contrées pourtant désertes et terrifiantes ? À vrai dire, cela semble remonter à des temps très anciens comme nous le montrent les contes et légendes polaires.
Pour les Grecs du VIIIe siècle av. J.-C., l'Hyperborée, habitée par les Hyperboréens, est la terre où le soleil brille constamment. Elle se trouve bien au-delà des pays où souffle le vent du nord. Apollon y résidait régulièrement. Hérodote décrivait ces régions, pourtant inhospitalières, comme extrêmement fertiles et douces à vivre puisque le soleil y était permanent. De la même manière, les Grecs nous ont donné, grâce à leurs mythologies, la Grande Ourse et la Petite Ourse, condamnées par Héra à ne jamais passer sous la ligne d'horizon.
Quelques siècles plus tard (vers 330 av. J.-C.), Pyhéas de Massila partit vers le nord, après avoir laissé les colonnes d'Hercule, le détroit de Gibraltar, et découvrit ce qu'il appela Thoùlê. Les spéculations vont alors bon train : s'agit-il d'une île imaginaire ? Ou bien de l'Irlande, de l'Écosse, des îles Féroé, du Groenland ou encore de l'Islande ? Plus tard, à l'époque médiévale, Ultima Thulé est utilisé en latin pour désigner le Groenland, et Thulé, l'actuelle l'Islande.
Dans la même veine, lorsqu'Erik le Rouge débarque à la fin du Xe siècle au Groenland, il devient sans le savoir, un siècle après, le sujet de sagas islandaises. L'écriture de la saga d'Erik le Rouge au XIIIe siècle est attribuée à un clerc islandais. Banni d'Islande pour meurtre, cet explorateur norvégien est resté dans l'histoire pour avoir fondé la première colonie européenne au Groenland.
La légende de Sedna
Bien plus loin, entre le détroit de Béring et l'actuel Nunavut, la légende de Sedna occupe les esprits des différentes communautés inuites. Elle est la figure mythique du peuple inuit à l'origine de la création des animaux marins. Il existe une grande variété de récits. Presque autant que de villages. On l'appelle Arnakkuagsak au Groenland, Nerrivik en Alaska.
Le mythe raconte qu'au milieu d'une tempête déclenchée par son mari, un chaman diabolique, le père de Sedna la sacrifie pour se sauver en lui tranchant les doigts gelés alors qu'elle s'agrippe à l'embarcation sur laquelle ils se trouvent. De ses phalanges sectionnées naissent les mammifères marins que Sedna, devenue déesse de la mer, contrôle depuis les profondeurs. Baleines, phoques, poissons sont ses enfants, dont se nourrissent les Inuits. Lors de leur transe, les chamans se munissent d'un grand peigne pour coiffer la longue chevelure de Sedna et ainsi apaiser sa colère.
Dans les contrées polaires, les longues nuits d'hiver et le monde marin présent sous la banquise sont autant de sujets qui peuvent inspirer la peur, l'inquiétude ou le mystère. Là encore, de l'Alaska au Groenland, on retrouve un personnage mystique : Amaroq, le loup géant qui chasse les personnes qui s'aventurent seules la nuit. On retrouve tous ces personnages puissants et craints notamment dans les transes des chamans qui ont le pouvoir de visiter les mondes sous la mer, dans la Terre ou encore dans le ciel que les mortels ne peuvent visiter qu'après la mort.
Les enfants ne sont pas en reste. Tous les héros de nos petites têtes blondes se rendent ou se sont rendus à un moment donné dans les pôles : Bibi Fricotin, Mickey, Bécassine, Caroline, Pinocchio, Nounours et tant d'autres. Il n'est pas possible d'oublier Apoutsiak le petit flocon de neige, de Paul-Emile Victor, édité pour la première fois en 1947 chez Flammarion, toujours en librairie aujourd'hui. De quoi entretenir les légendes.
Bibliographie :
Contes du Grand Nord, Howard Norman, éd. Albin Michel, 2003
La légende des pôles, Emmanuel Hussenet, éd. Transboréal, 2019
Apoutsiak le petit flocon de neige, Paul-Emile Victor, éd. Flammarion, 1947