Féroé, le secret gardé de l’Atlantique Nord
Spécialiste des voyages polaires aux nuances de bleu et de blanc, Stéphane Niveau a découvert il y a quelques semaines l’archipel des Féroé, aux teintes de vert et de noir. Il nous raconte ces îles confidentielles de l’Atlantique Nord qu’il ne connaissait que par les cartes. Une vraie sur surprise !
Teinté de légendes et souvent trop peu connu, l’archipel des Féroé se compose de 18 îles principales, centrées sur le soixante-deuxième parallèle nord. Dès l’atterrissage de l’avion, je ressens les 55 millions d’années de géologie qui ont formé les lieux. Cette géologie lie les Féroé à l’histoire du Groenland, de l’Écosse et des îles Shetland. 55 000 habitants vivent ici, se confrontant quotidiennement aux éléments, d’une nature aussi brute que sublime.
Une question se pose d’emblée : comment visiter ces 1 400 kilomètres carrés entrecoupés de nombreux fjords et de pleine mer ? Pour ça les Féroïens ne m’ont pas attendu. Depuis des décennies, les autorités du pays s’emploient à construire des tunnels sous les fjords pour relier les plus grandes îles par la route. Le tunnel qui connecte l’île de Streymoy à l’île d’Eysturoy mesure par exemple 11 kilomètres de long et descend 180 mètres sous la surface.
C’est là qu’a été inauguré en 2020 le premier rond-point au monde sous la mer. Avec ma petite voiture de location, je prends le temps d’en faire deux fois le tour, aussi lentement que possible. Tout illuminé de bleu, il est le symbole à lui seul d’un peuple fier de son pays.
Les rencontres sont faciles et rapidement, à Tórshavn, la capitale, je me laisse guider par les histoires des locaux sur une terrasse du port. Mon interlocuteur a l’air sûr de lui. « Au Ve siècle, des moines écossais ont introduit le mouton sur l’archipel », m’explique-t-il. Au fil des minutes, je me rends compte que l’histoire de ces lieux n’est pas aussi simple. Les Vikings gravitent autour de chaque récit, de même que le christianisme, la Norvège et le Danemark, dont les Féroé sont l’un des trois pays constitutifs du royaume. La prise de note se révèle compliquée. C’est en 1948, juste après la Seconde Guerre mondiale, que les Féroïens se réapproprient leur drapeau et leur langue, en obtenant un statut semi-autonome.
Ici, la météo dicte les journées, qui se succèdent et ne se ressemblent pas. L’archipel est affublé de l’appellation anglophone : « pays du peut-être ». Il ne faut surtout pas annuler une sortie parce que la pluie accompagne le petit déjeuner. Dans le quart d’heure suivant, un fantastique arc-en-ciel peut enjamber le fjord qui vous sert de décor.
Chaque île est un paradis pour les randonneurs où montagnes et falaises offrent des paysages spectaculaires. Une fois passés les deux cents premiers mètres de dénivelé occupés par les moutons, c’est la solitude qui vous entoure. Les coulées de lave puis l’érosion ont façonné des concentrés de nature incroyables. En atteignant les sommets, on bascule sur une vue où la mer est omniprésente.
Les fjords se succèdent. Impossible d’échapper à cet univers maritime. Impossible également de se perdre : les sentiers sont bien identifiés. À moins que le brouillard ne vienne s’en mêler… et que le soleil fasse son retour le lendemain. Il est en embuscade permanente juste au-dessus des nuages. La météo est vraiment un personnage à part entière. Elle donne aux photographes des nuances de couleurs sans fin. Plus dure sera la sélection des clichés au retour.
Avec leurs petites maisons de pierre et de bois, à la toiture végétalisée, les villages discrets et enclavés au fond des fjords offrent des décors de carte postale. On y accède souvent après une route sinueuse de montagne. Tous sont reliés d’une manière ou d’une autre à la mer. Ils côtoient des falaises rocheuses qui sortent tout droit des récits fantasmagoriques des sagas islandaises.