Pôles, le magazine par Grand Nord Grand Large

Le Plancius, 120 ans

Stéphane Niveau
Le Plancius, 120 ans

Février 2023. Alors que le Plancius, un bateau d’expédition affrété par Grand Nord Grand Large, vient de terminer son voyage sur la péninsule Antarctique, revenons sur l’aventure en Antarctique, il y a 120 ans, d’un explorateur polaire français, le commandant Jean-Baptiste Charcot (1867-1936).

Le pacha, comme on le surnommait alors, se propose de partir en direction de la péninsule Antarctique et d’y effectuer un hivernage. Une première pour le commandant qui va interrompre ses projets arctiques pour un continent encore largement inconnu et une première française pour un hiver sur place. En 1897/1898, l’explorateur belge Adrien de Gerlache de Gomery avait effectué involontairement à bord de sa Belgica, le premier hivernage de l'histoire australe. Le gouvernement français, peu enclin à l’exploration polaire, aide du bout des lèvres cette initiative française. Devant la difficulté à réunir les fonds nécessaires pour monter l’expédition et les modestes subventions recueillies auprès de l’État pour construire un nouveau navire, le commandant va engager, en grande partie, sa fortune personnelle. Une souscription dans le journal Le Matin sera lancée et récoltera 150 000 francs or, soit un peu plus de 600 000 euros. Pour remercier l’ensemble des souscripteurs, le nouveau 'Pourquoi-pas ?' sera rebaptisé sur cale et nommé le 'Français'.

Manchots, Damoy Point, Antarctique - ©Alice Fernandes

En bon scientifique qu’il n’oubliera jamais d’être, les expéditions du commandant Charcot sont axées sur les sciences et cette nouvelle initiative n’y échappera pas. Le projet vise à explorer les côtes nord et nord-ouest de la terre de Graham :

« J’eus le plus grand mal à réunir les fonds strictement indispensables et, malgré le sacrifice d’une grande partie de ma fortune personnelle, je commençais à désespérer, lorsque le journal Le Matin m’offrit une somme de 150 000 francs, en faible partie couverte par des souscriptions, à laquelle vinrent s’ajouter, au retour, 90 000 francs votés par les Chambres. Avec un budget de 450 000 francs, bien faible comparé aux millions souscrits par les étrangers pour leurs expéditions, je pus organiser cette première expédition polaire française... ».

Témoignages croisés

Le 1er février 2023, le Plancius quittait le quai d'Ushuaïa en direction de la péninsule Antarctique ; quelques jours plus tard, les glaces du continent austral entouraient déjà le navire.

Le Plancius, Alice, 2023 : « Superbe réveil. Un ballet de baleines à bosse devant les glaces de l'Antarctique, juste à la fenêtre de ma cabine : fabuleux ! »

Île Pléneau, Antarctique - ©Alice Fernandes

Le Français, Jean-Baptiste Charcot, 1903 : « C'est tellement beau qu'en me demandant si je rêve, je voudrais rêver toujours... »

Le Plancius, Coraline, 2023 : « Depuis le temps que j'attendais ce moment. Je n'ose à peine y croire. Nous pouvons observer des baleines tout autour du bateau, je ne pensais pas qu'il y avait autant de vie ! C'est encore plus beau que ce que j'avais imaginé. »

La croisière du Plancius se poursuit le long de la côte est de la terre de Graham, comme le fit le Français 120 ans plus tôt.

Orne Harbour, Antarctique - ©Alice Fernandes

Le Plancius, Alice, 2023 : « Premier débarquement à terre ce matin. C'était magique. De nombreux manchots Papou avec les petits. Météo incroyable, sans vent, 5° Celsius. Le paysage est incroyable. Les baleines sont toujours autour du bateau. Il y a aussi eu la première sortie kayak. Ce soir, on campe. »

Plancius, Coraline, 2023 : « Après une préparation vraiment complète, nous voici en train de glisser sur une eau complètement lisse pour la première sortie kayak. La glace est partout. Malgré mes expériences de kayak au Groenland, j'ai l'impression de découvrir le monde polaire pour la première fois. C'est fascinant ! »

Orne Harbour, Antarctique - ©Alice Fernandes

Le Plancius, Alice, 2023 : « Les journées sont bien chargées. Aujourd'hui, les kayakeurs ont deux sorties de prévues. Les sorties à terre durent 3 heures environ. Les points de vue sont spectaculaires ; nous observons des baleines à bosses, des orques, des manchots mais aussi des léopards de mer et des otaries à fourrure. L'équipe de guides est au top, tout est bien organisé. Nous venons d'ancrer devant l'île Booth, pour une randonnée jusqu'à Port Charcot. Nous sommes sur les traces des explorateurs. »

Le Français, Jean-Baptiste Charcot,1903 : le navire est préparé pour son hivernage « par 65°5' de latitude sud et 64° de longitude ouest de Paris, à la limite des découvertes de la Belgica sur la côte ouest de la terre de Graham, dans une région où aucune observation régulière de quelque durée n'a été entreprise, à un degré plus au sud que la station d'hivernage de Nordenskjöld sur la côte est de la même terre... »

Sur le chemin du retour d'une croisière exceptionnelle, le Plancius fait un arrêt dans la caldeira de l'île de la Déception, volcan toujours en activité faisant partie de l'archipel des Shetland du Sud.

Donnons le dernier mot au commandant Charcot : « D'où vient donc l'étrange attirance de ces régions polaires, si puissante, si tenace, qu'après en être revenu on oublie les fatigues, morales et physiques, pour ne songer qu'à retourner vers elles ? ». (Source : 'Le Français au Pôle Sud', le 06 février 1905.)

Prochaine croisière Grand Nord Grand Large pour l'Antarctique : du 1er au 15/02/2024.

Source des extraits : Jean-Baptiste Charcot 'Autour du Pôle Sud', Flammarion, 1906. 

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