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Photographier les aurores boréales

Dominique Albouy
Photographier les aurores boréales

Laponie finlandaise. Dans la douce chaleur du luxueux chalet, c’est l’heure du thé et des récits pittoresques qui ponctuent chaque fin de journée. Et lentement, paisiblement, nous laissons glisser le temps qui, nous l’espérons tous, va dans quelques heures nous offrir à nouveau ces magiques aurores boréales…

Mais, c’est aussi le moment où l’on partage ses images du jour. Seule Joëlle, à la différence de ses sept compagnons d’aventure, a choisi de ne pas faire de photographie. Avec des arguments affirmés. « Je ne souhaite pas voir une nature aussi généreuse aussi vaste dans le cadre réducteur d’un appareil photo. J’imprime mes émotions dans ma tête, sans contraintes de matériel, sans contraintes techniques. »

Je sens alors les regards se poser sur moi et mon statut de photographe professionnel. Comme si les propos de Joelle valaient acte d’accusation. Et, à la surprise générale, j’adhère sans réserve à son élan poétique.

Photographier ne consiste nullement à avoir l’œil rivé au viseur. Bien au contraire. L’image n’a de sens que lorsqu'elle est la traduction d’une émotion. Et l’émotion n’a bien évidemment dans sa genèse aucun lien avec la photographie ! Le premier stade n’est donc nullement technique. Il est celui du ressenti, du plaisir de l’instant, de l'instant vécu avec intensité. Si le photographe choisit alors de traduire cette émotion en images, il doit immédiatement identifier les éléments qui contribuent à créer cette émotion. Alors, seulement à partir de cette analyse, il doit choisir les moyens spécifiques à la photographie qui vont concourir à la traduction de cette émotion en images: choix du point de vue, de la focale, de la vitesse d’obturation, de l’ouverture du diaphragme, de la balance des blancs, etc.

« Mais alors ce n’est donc pas le réel que tu photographies ? » me questionne Marie.

« Mais de quel réel me parles-tu ? » Je propose alors une comparaison des images réalisées par chacun dans la journée. Et, surprise, chacun a perçu et photographié des choses différentes, et avec des rendus bien différents ! La satisfaction est loin d’être la règle : les images semblent en effet bien loin des émotions ressenties…

C’est là toute la cruauté de la photographie : on voudrait croire qu’elle traduit nos émotions alors que, le plus souvent, elle ne nous propose qu’une décevante restitution du réel. Une conclusion s’impose alors à tous : ne pas confondre prendre une photo et faire une photo. Et si l’on décide vraiment de faire de la photo, cela implique travail et pratique. Qui sont parfaitement compatibles avec l’élan poétique !

Quelques techniques :

  • Éviter les zones avec forte pollution lumineuse (la proximité d’une ville par exemple)
  • Éviter la pleine lune. Lune montante ou descendante : bienvenue pour éclairer le paysage.
  • Photographier par une nuit installée et un ciel dégagé. Conditions souhaitables pour de bonnes photos d’aurores boréales.
  • Période favorable : de 21h à 2h en février et mars.
  • Repérage indispensable pour soigner la composition en intégrant des éléments du paysage ou d’architecture.
  • Investir dans un trépied avec protection en mousse sur une section pour faciliter le transport.
  • Assurer la stabilité de la zone de neige ou sera installé le trépied et utiliser un déclencheur à distance.
  • Opter pour une rotule 3 directions.
  • Laisser le boitier et l’objectif sur le trépied à l’extérieur. Garder la batterie dans la doudoune. Batterie de rechange.
  • Désactiver le flash. N’utiliser aucun automatisme. Pas d’autofocus. Mise au point manuelle sur l’infini
  • Fermer 1 à 2 diaphs au-dessous ouverture maxi. (4 ou 5,6 si maxi=2,8)
  • ISO : de 400 à 80o
  • Vitesse d'obturation : de 10 à 30 secondes
  • Une base : 800ISO f/5,6 15 secondes
  • Ne pas dépasser 30 secondes sinon vous n’aurez plus le trajet de l’aurore mais seulement un ciel coloré.
  • Enregistrer les fichiers en RAW
  • Avoir une lampe frontale et une boussole
  • Porter des gants fins et des mouffles avec cordons

Chaussures chaudes et bien isolées. Vêtements chauds (il faut prévoir des heures à patienter dans des températures basses à très basses). Un thermos avec une boisson chaude et du chocolat ou d'autres petits plaisirs seront donc également les bienvenus !

Il est à noter que les aurores sont très intenses lorsqu’une zone active à la surface du soleil est orientée vers la Terre. Les aurores boréales intenses (qui peuvent durer plusieurs mois, voire années) se produisent environ tous les 27 jours, période nécessaire à la rotation du soleil sur lui-même.

Très important : prévoir des tours de garde afin de guetter la survenue des aurores. Il faut vous assurer de pouvoir être habillé(e) et chaussé(e) rapidement : les aurores n’attendent pas et peuvent être brèves !

Si vous devez entrer dans le chalet avec boitier et objectif, pensez à les mettre dans un sac étanche de type congélation et chasser bien l’air avant de le fermer. La condensation se déposera sur le sac, et non pas sur le matériel.

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