Une cordée polaire vers DYE-2
Parcourir la calotte polaire du Groenland pour rejoindre la station radar DYE-2 est le défi exceptionnel qui attend Benoît Profit, guide de haute montagne, et un petit groupe, au cours du printemps. Une expédition en milieu extrême où l'esprit d'équipe joue un rôle crucial pour atteindre l'objectif.
Explorer la calotte polaire du Groenland n'est pas une entreprise à prendre à la légère. Dans ce territoire fréquenté par les plus grands aventuriers, les vastes étendues glacées suscitent l'admiration de ceux en quête de défis hors du commun. Pendant une douzaine de jours, un petit groupe d'intrépides se lancera dans une traversée en ski depuis Kangerlussuaq, sur la côte est, avec pour destination la station radar DYE-2, un vestige fantôme de la guerre froide.
Cependant, la station n'est qu'un aspect de l'aventure. Pour Benoît Profit, qui guidera cette expédition, "DYE-2 n'est que la cerise sur le gâteau. L'essentiel de ce voyage réside dans la signification que nous lui attribuerons." Guide de haute montagne depuis 32 ans, Benoît a encadré des expéditions de marche, d'escalade et d'alpinisme avec une approche méditative axée sur la pleine conscience, au service de soi et des autres. Il adopte une posture à contre-courant des impératifs de performance liés aux expéditions sportives en milieu extrême, privilégiant une philosophie et des méthodes qui l'ont souvent conduit au succès plutôt qu'à l'échec.
Méditation et gestion du stress
Comment former une cordée pour vivre ensemble une aventure en milieu extrême ? "Chaque membre de l'équipe doit prendre conscience qu'il est en quelques sorte un guide à part entière et être capable de prendre soin de lui-même pour prendre soin des autres", explique Benoît, habitué des environnements difficiles. Au-delà des compétences techniques nécessaires, il considère que la clé du succès réside dans la gestion émotionnelle.
Dans un environnement où le climat est imprévisible, les nerfs mis à l'épreuve et l'adaptation constante, "il est essentiel d'accepter sa vulnérabilité, ses émotions et ses peurs." En pratiquant la méditation, la respiration et la sophrologie, il est possible de réduire le niveau émotionnel en situation de stress, de rester attentif à soi-même et d'être capable d'aider les compagnons d'aventure. Face aux éléments, pour rester vigilant face aux crevasses, "il est nécessaire de rester à l'aise et de conserver le plaisir", souligne Benoît.
"Même dans l'effort, il faut éviter la zone rouge, être capable d'embrasser la tempête et le froid pour mieux les gérer", insiste-t-il. L'objectif demeure : vivre une aventure humaniste, collective... et atteindre DYE-2.
Avant le départ, il est vivement recommandé d'avoir déjà participé à un ou deux séjours en milieu polaire. Posséder des compétences pratiques, savoir utiliser un réchaud, être familier avec le froid, tirer une pulka... et s'entraîner physiquement sont des prérequis pour se lancer. Sur place, une routine s'installe rapidement : déchargement des pulkas le soir, installation du camp, et travail intensif pour faire fondre la neige afin de boire et cuisiner. "Même si la présence d'ours est rare, en fonction des observations, des tours de garde nocturnes peuvent être nécessaires", raconte le guide. Le matin, après une nuit de repos, le groupe prend le petit-déjeuner, charge les pulkas, et reprend la progression vers la station.
De l'exploration urbaine au Groenland
Au 12e ou 13e jour, si les conditions le permettent et la progression est suffisante, le groupe atteindra DYE-2. Avec une journée entière sur place, les participants exploreront ce lieu abandonné construit en 1957-1958 par les Américains dans le cadre de la Distant Early Warning Line.
Cette ligne de surveillance de l'espace aérien avait pour objectif de détecter et prévenir les lancements de missiles russes. Sept stations, dont cinq au Groenland, jalonnent l'Atlantique Nord du Nunavut à l'Islande.
Malgré une occupation de près de 30 ans pour la surveillance et les relevés météorologiques, les stations sont devenues obsolètes seulement deux ans après leur mise en service, en raison de la capacité des missiles russes à frapper d'un continent à l'autre dès 1960.
À travers les vitres brisées de la station, tout est resté en place : la cantine est intacte, les couverts sont visibles, les instruments de mesure dans les laboratoires également. Une occasion unique d'exploration urbaine au milieu de nulle part. Les voyageurs découvriront un exemple frappant de la folie humaine en temps de guerre avant de retourner à la civilisation, en paix. "Dans cette aventure incroyable, nous apprendrons à être authentiques et intelligents comme la faune et la flore, comme la nature, à rester dans le vrai en permanence pour nous élever", conclut Benoît. Serez-vous prêt à relever le défi ?
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